Photos parmi beaucoup d'autres faites à l'occasion de mes nombreux voyages sur les terres de la tribu Warli, dans le Maharashtra. Histoires sans paroles, eux parlant le dialecte Warli et moi le Français. Temps, regards et sourires partagés pour seuls interprètes.
L’autocensure que nous sommes aujourd’hui obligés de nous appliquer génère sans doute des formes nouvelles de frustrations dont on ne connaît pas encore les conséquences. Être parfois gêné de montrer ces images de bonheur alors que s’épandent sur le net, comme ailleurs, toute la vulgarité de nos modernités est purement effrayant.
Nos innombrables et constantes complicités dans l’acceptation de l’inacceptable, pauvreté, guerre, faim, violence, nous fait vivre dans un esprit permanent de culpabilité et rejeter implicitement toute présomption d’innocence.
Être parfois gêné de montrer de telles photos alors que nous affichons des images d’une pornographie extrême, alors que nous placardons sans cesse des images d’une violence inouïe : enfants déchiquetés, amputés, agressions, tueries, barbaries en tous genres, est ahurissant.
Quelle absurdité ! Imaginons un instant l’histoire de l’art revisité par nos esprits tourmentés. Exit les éphèbes, les corps d’anges et de vierges dénudés, les innombrables adolescents langoureux. Nos musées en sont pleins ! Une fois les œuvres gênantes retirées que resteraient-ils : nature morte, crucifixion, descente de croix, flagellation, décapitation. Une fois retirée toutes les images de beauté ambiguë (j’ai peur que la beauté soit ambiguë, qu’elle n’appartienne ni à la morale ni à l’immorale et qu’elle soit une manifestation de l’inaccessible, une "promesse" de bonheur écrivait Stendhal), ne restent plus d’une part que les images de beautés accessibles, consommables, autrement dit celles de la publicité, et d’autre part celles de toutes les violences : attentats, catastrophes, agressions, guerres, famines. Voilà l’héritage visuel que nous sommes entrain de préparer pour les générations futures.